Une énergie renouvelable peu connue

Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme. La maxime du célèbre chimiste Lavoisier s’applique à cette source de production d’énergie renouvelable qu’est la méthanisation. Elle consiste à “digérer” dans des réservoirs confinés, des déchets organiques issus de l’activité humaine pour les transformer en biogaz (ou biométhane). Le biogaz est le gaz produit par la fermentation de matières organiques en l’absence d’oxygène. C’est un gaz combustible composé essentiellement de méthane et de dioxyde de carbone.

Le saviez-vous ?

Le biogaz peut être brûlé sur son lieu de production pour obtenir chaleur et électricité ou purifié pour obtenir du biométhane utilisable comme gaz naturel pour véhicules ou injectable sur le réseau de distribution de gaz naturel..

La méthanisation se produit naturellement dans les marais, les rizières, les grands réservoirs ou barrages hydroélectriques tropicaux. On utilise des “digesteurs” pour la provoquer artificiellement.

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Un fort potentiel de développement

Le nombre de projets inscrits sur la file d’attente des projets d’injection de biométhane ne faiblit pas. L’an dernier, une centaine d’installations ont été construites. Cette tendance devrait s’accentuer cette année, selon Grégory Lannou, directeur de Biogaz Vallée, le cluster de la méthanisation qui regroupe 76 membres (dont Engie, GRDF, Sewerin, Gaseo, etc.). “Avec le nombre de projets qui sortent et qui sont dans les cartons, nous aurons une dynamique d’emplois forte en 2019″, prévoit-il. Les profils recherchés sont à 70 % des ingénieurs et des profils Bac + 2, Bac + 3, en IUT maintenance pour les postes de techniciens.”

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Cependant, cette énergie reste chère à produire en comparaison avec les autres énergies renouvelables. En 2018, produire un kilowattheure de biométhane revenait à 95€ alors qu’il faut entre 50 et 70€ pour une éolienne. Nous devons toutefois raisonner en système énergétique. Le biogaz a l’avantage de ne pas être une énergie intermittente, elle peut être produite en continu. De plus, c’est une énergie renouvelable qui peut être stockée, avantage non négligeable. Alors que le solaire ou l’éolien peuvent ne pas produire pendant plusieurs semaines et produire ensuite plus que nécessaire car on ne peut pas stocker l’énergie produite. Le biogaz lui ne présente pas ces inconvénients. Le biogaz a beaucoup d’externalités positives qui ne sont pas prises en compte dans le prix.

Qu'est-ce qu'une externalité ?

Une externalité est le fait de recevoir un avantage sans payer en échange ou, à l’inverse, subir un dommage sans que sa perte soit compensée. Un apiculteur crée une externalité positive puisque ses abeilles pollinisent gratuitement les champs des agriculteurs voisins : un article publié en 2009 par France Stratégie a estimé la valeur de ce service à 153 milliards d’euros par an. Au contraire, les agriculteurs créent une externalité négative lorsqu’ils utilisent des traitement, notamment les insecticides, qui déciment les colonies d’abeilles.

Dans le cas du biogaz, il permet un traitement des déchets en local, et notamment des déchets agricoles. Le biogaz est principalement utilisé par les agriculteurs qui disposent de la matière à méthaniser pour produire du biogaz. Les agriculteurs produisent 1/4 du biogaz français et permettent ainsi d’améliorer l’empreinte carbone de l’agriculture. Selon Christiane Lambert, présidente de la FNSEA (principal syndicat de la profession agricole), il faut encourager les petits projets de biogaz à germer partout en France car ils disposent d’aménités significatives :

  • Permettre le traitement des déchets en local
  • Capturer le carbone produit
  • Créer un engrais naturel qui améliore la photosynthèse
  • Permettre une agriculture biologique intensive
  • Apporter une rémunération aux agriculteurs qui vendent leur biogaz

Quel avenir ?

Le biogaz français est cependant un des grands perdants de la nouvelle feuille de route énergétique française, le PPE 2019-2028.

Les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), sont des outils de pilotage de la politique énergétique et ont été créées par la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Elle donne la direction que doit prendre le mix énergétique français dans les années à venir.

Il faut savoir que le biogaz est une industrie naissante qui n’est pas encore à maturité, cette filière est très subventionnée. Le Ministère des Finances aurait limité l’enveloppe donnée à 800 millions d’euros par an pour le biogaz. Pour entrer dans l’enveloppe, la Direction de l’Énergie et du Climat (DGEC) aurait donc baissé l’utilisation du biogaz dans la consommation à 7 %. Et comme cela ne rentrait toujours pas, il est demandé à la filière de baisser ses coûts de production dès 2023 pour bénéficier des subventions à la production. Concrètement, c’est un réel coup de frein donné au bio méthane. On diminue la subvention de cette filière qui produira donc moins et se développera plus faiblement. De plus cette subvention est en partie liée au fait que la filière du biogaz réduise drastiquement ses coûts. Le kilowattheure est à 95€ en 2018 et l’objectif du gouvernement est de réduire à 67€ en 2023 soit environ une baisse de 30%.

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“Avec cette trajectoire, la PPE menace de tuer la filière biométhane”, alerte Patrick Corbin, président de l’Association Française du gaz. Il n’est pas seul à se mobiliser. 120 députés ont signé une lettre appelant le gouvernement à rehausser les objectifs de la PPE pour les énergies marines et le biogaz. Laurent Pauchard, président de Methalac (société d’installation d’unité de biogaz) relève que des baisses aussi rapides des coûts n’ont jamais été demandés à une autre filière d’énergie renouvelable. C’est un secteur naissant que l’on doit accompagner pour qu’il se développe pleinement. Les efforts dans la réduction des coûts demandés prennent exemple sur les coûts des méga-installations du nord de l’Europe, notamment au Danemark. Mais ce n’est pas le modèle qui a été choisi en France où les unités sont de plus petites tailles et décentralisées.

Le biogaz est une énergie renouvelable qui ne doit pas être cloisonnée. Nous devons penser les énergies renouvelables comme un système électrique unifié et ne pas les prendre secteur par secteur pour les comparer. C’est une énergie qui produit tout le temps, peut être stockée, et présente des avantages qui ne se répercutent pas forcément dans le coût. C’est cependant une industrie naissante qui demande encore beaucoup de subventions, des millions d’euros que le gouvernement cherche aussi à économiser.

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